Voilà pourquoi ils aiment chanter Jean Ferrat


Patrick Bruel, Julien Doré, Bénabar, Cali, Patrick Fiori, Hubert-Félix Thiéfaine, Zebda… Ils font tous partie de l’album hommage à Jean Ferrat  « Des airs de liberté » et seront présents ce samedi soir au Grand Show sur France 2 consacré au chanteur d’Antraigues. https://doublenote.wordpress.com/

thieffaine1Hubert-Félix Thiéfaine : « Ferrat, de la chanson authentique »

interprète 
 »Nuit et Brouillard ».

« Pour moi Ferrat, c’est surtout les années 1960. Il y avait Ma môme, la Montagne, Nuit et Brouillard, Potemkine… Des chansons fortes et populaires avec de belles mélodies, bien arrangées et merveilleusement interprétées. C’est de la chanson authentique qu’on doit garder, ne pas oublier. J’étais bousculé quand j’entendais Nuit et Brouillard, j’avais quatorze ans. J’avoue que, né après la guerre, je ne me sentais pas vraiment concerné par tout ça, même si j’entendais mes parents et les adultes en parler autour de moi. Les paroles m’avaient impressionné : “Je twisterais les mots s’il fallait les twister/Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez”, à l’époque le twist et les yéyés c’était mon univers, donc ça tapait dur ! (rires). Malheureusement la barbarie est toujours d’actualité; lutter contre, pour nous qui nous disons hommes civilisés, c’est important. C’est vital si on veut survivre. Pour moi, l’harmonie doit être totale entre les quatre parties d’une chanson : paroles, musique, arrangement, interprétation. Chaque partie a une égale importance. Je trouve que Ferrat avait ces qualités. Il mettait cela dans ses chansons. Quand on écoute Potemkine, ça tape, ça fouette. C’est magnifique. Il y a tout cela chez Jean Ferrat. Et sa voix, bien sûr. C’est important de chanter des artistes comme lui, qu’on n’oublie pas ceux qui sont passés avant nous, qui étaient des piliers de la chanson française. Pour les gens de ma génération, il y a Ferrat, Ferré, Brel et Brassens. Ils doivent continuer à nous servir de modèles. » https://www.facebook.com/hfthiefaine

julien_doreJulien Doré « Il y a une texture qui est vaporeuse, aérienne »

interprète « La femme 
est l’avenir 
de l’homme ».

« Je ne connais pas Jean Ferrat, je ne connais pas sa musique et mes parents n’écoutaient pas Ferrat. J’ai découvert non pas son univers mais la chanson que j’ai revisitée, La femme est l’avenir de l’homme, au moment où on me l’a proposée pour l’album. Je ne suis pas fan des albums hommages. C’est la première fois que je dis oui, mais j’ai souhaité travailler avec mon équipe, les garçons avec lesquels je suis sur scène tous les soirs, « l’ingé son » qui est celui avec qui j’ai fait mon disque. Certes, il y a une chanson qui est là avec un texte et des accords. Maintenant, il y a une relecture. Je voulais vraiment lui donner une renaissance en lui apportant notre couleur. C’était très important d’amener de l’air et du souffle. Il y a une texture qui est aérienne, vaporeuse entre l’électro et le hip-hop américain. C’est ce dont j’avais envie dans ce texte que je voulais presque parlé, par moments chanté. Je souhaitais qu’il y ait une narration et surtout apporter de l’espace à la chanson originale qui aurait pu paraître étouffante si je l’avais juste chantée de façon plate. Je ne rends pas visite, je revisite. J’ai besoin que ce qui sort de là musicalement soit exactement ce que j’aurais fait pour une chanson personnelle. Pour moi, le respect, il est là. » https://www.facebook.com/juliendoreofficiel

zebdaZebda : « Il accompagnait les militants »

interprète 
 »En groupe, en ligue, 
en procession ».

Mustapha Amokrane : « Ferrat, c’est l’artiste qui accompagnait les militants amis de nos parents, des communistes, syndicalistes qui, dans le quartier, défendaient telle ou telle cause. C’est par eux qu’on a découvert Ferrat. Nous, on a d’abord vu son engagement. Ce n’est qu’après qu’on a découvert qu’il avait fait d’autres chansons plus romantiques, plus amoureuses. On l’a connu par le biais des Fêtes de l’Huma, des militants, tous ces gens du peuple français de la cellule Louise-Michel du quartier. Dans la chanson que l’on reprend En groupe, en ligue, en procession, il dit qu’il vaut mieux qu’on soit ensemble pour revendiquer et dire des choses plutôt que seul dans son coin où on ne changera rien. Il dit : “Je suis l’empêcheur de tuer en rond/Perdant avec satisfaction vingt ans de guerre colonialiste/La petite voix qui dit non.” Ça traduit l’idéal progressiste de l’homme et la force de l’artiste qui arrive à nous dire : “Il faut marcher, y aller ensemble et même si cela ne plaît pas à certains, c’est ce que je dois faire.” Cela pose cette question : comment peut-on être aujourd’hui un artiste engagé et populaire comme l’étaient Ferrat, Montand, Signoret, des gens remplis de convictions ? Il y a quelque chose à transmettre de ce point de vue. C’est pour ça que, pour un hommage à Ferrat, on n’aurait pas pu interpréter une autre chanson que celle-ci. »

Magyd Cherfi : « Ce qui me plaît dans cette chanson, c’est qu’il nous dit : “Il faut assumer la masse. Ce côté militant de Ferrat, c’est là où il se distingue des autres, où il est beaucoup plus proche, du coup, des gens.” » https://www.facebook.com/zebdaofficiel

bruelPatrick Bruel : « Les années du vivre-ensemble»

interprète 
 »Ma môme »

« À l’époque, j’étais plus Brel, Barbara et Brassens. On arrive en 1963 dans une municipalité communiste, Argenteuil, maman est institutrice et écoutait beaucoup Ferrat. Je me souviens que j’aimais la chansonPotemkine et quasiment un an plus tard, j’aimais Amsterdam, Jef de Brel, des chansons à l’interprétation puissante, forte. Quand on m’a demandé d’interpréter une chanson de Ferrat, j’ai pensé à Ma môme. Je la trouve très belle, mélodique et évocatrice des moments de bonheur qu’on peut avoir, trouver dans la force d’une relation plus de soleil que dans tous les artifices. C’est ce que dit la chanson. Cela me rappelle plein de choses. J’ai grandi dans un milieu politisé très à gauche. C’étaient les années du vivre-ensemble. Il y avait le directeur de l’école et son fils Rachid qui était mon copain. On ne se posait pas de questions quand on allait jouer au foot, de qui était juif, qui était Arabe ou catho. On se plaisait à rencontrer l’histoire, la culture de l’autre. C’était comme ça qu’on apprenait. Cela se faisait naturellement. On vivait ensemble, on partageait les choses. » https://www.facebook.com/patrickbruelofficiel

fioriPatrick Fiori : « Aragon-Ferrat, la rencontre magique « 

interprète « Que serais-je sans toi »

« Ferrat faisait partie de la discographie de mes parents. Je ne suis qu’un digne héritier de cette musique-là et d’autres. Ferrat, c’était son engagement, sa poésie, c’était comme me le disait mon oncle “un garçon qui fait des mélodies qui semblent simples », mais qui sont atrocement compliquées. Et il avait une philosophie de vie idéale pour un grand nombre de gens à l’époque, dont évidemment les membres de ma famille. J’ai été un des premiers à embarquer sur le projet de reprises pour l’album. Je voulais absolument chanter Que serais-je sans toi. C’est une chanson sublime. Quand deux poètes (Aragon et Ferrat) décident de se rencontrer et d’écrire des choses ensemble, c’est carrément magique. Cette chanson-là, c’est une déclaration d’amour, c’est Ne me quitte paspuissance cinq ! C’est une autre sensibilité, une autre époque, une manière d’approcher les choses, une autre société. On dit qu’il faut faire connaître Ferrat à la nouvelle génération. Mais elle le connaît ! C’est un livre. Il est partout. Sa force, elle est là. Au-delà d’être un compositeur, c’est un poète intemporel. » https://www.facebook.com/patrickfioriofficiel

caliCali : « Un engagement total »

 interprète « la Montagne »

« Ferrat, c’est toujours ce qui réunit dans une famille. Chez moi, on écoutait beaucoup de chants révolutionnaires, Ferré et bien sûr Ferrat. Mon père me disait : “C’est un écorché.” C’est quelqu’un qui n’a pas peur dans ses textes. J’ai tout de suite voulu chanter la Montagne. Cette chanson, c’est comme un refuge. On a tous un lieu où on se sent bien, heureux. On ne pourra jamais atteindre ce qui s’est fait de plus haut dans l’interprétation. On fait de son mieux avec le cœur, avec la foi. C’est impressionnant de reprendre une telle chanson qui est sans doute son plus gros succès, une chanson pas mal engagée écolo. C’est le Ferrat qui aime la nature, qui découvre Antraigues, qui nous dit on appartient au lieu où l’on a décidé de mourir, on sent ça dans cette chanson. Pour moi, c’est un engagement total quoi qu’il arrive, y compris dans ses chansons d’amour. »

https://www.facebook.com/brunocali

benabar1Bénabar : « Des chansons portées par un souffle »

interprète « Potemkine ».

 « Dans l’émission de Michel Drucker, je chante Potemkine, une chanson forte. Elle cumule plein d’inconvénients de par l’histoire qu’elle raconte, la révolte du Potemkine, le film qui est mythique ainsi que la chanson qui est compliquée à interpréter. Je l’ai beaucoup travaillée en privilégiant une interprétation sobre et retenue. On n’écoutait pas beaucoup Ferrat à la maison. C’est quelqu’un que j’ai découvert plus tard. Je me souviens avoir eu un choc en écoutant Ma Môme avec le côté romance ouvrière et ce décor qu’on imagine. Après je suis entré dans la dimension politique de Ferrat. Je me souviens avoir adoré la chanson Aimer à perdre la raisonqu’on avait chantée pour les Restos du cœur – comme quoi Ferrat est vraiment un artiste populaire – qu’on avait transformée en chanson sur le divorce puisqu’on chantait Aimer à perdre la maison (rires) ! Ferrat, c’est cette grande, super belle chanson de variété et, à côté, les chansons pas uniquement « engagées » – qui est un terme un peu réducteur –mais des chansons portées par un souffle. C’est la poésie et ça évoque tout un monde du XXe siècle, de communisme, d’Union soviétique, du bloc de l’Est, de la guerre froide. Il y a un côté historique. C’est important de faire revivre les grands auteurs, les poètes. Ferrat, c’est quelqu’un j’imagine qui est beaucoup étudié à l’école. C’est un courant de la gauche française et du XXe siècle qui apporte quelque chose. » https://www.facebook.com/Benabarofficiel