Cyril Mokaiesh : «Il faut qu’il y ait du souffle dans ma vie» (L’amour qui s’invente)


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Il y a du souffle et du romantisme chez Cyril Mokaiesh. Un engagement poétique empreint d’une écriture aux contours littéraires qui font de l’auteur de la chanson «Communiste», un artiste au talent rare dans le paysage des musiques actuelles.Après « Du rouge et des passions », le chanteur revient avec «L’amour qui s’invente». Un album aux sentiments amoureux et voyageurs écrit à Buenos Aires sorti chez Mercury dont il m’avait parlé au moment de son concert au Théâtre de l’Atelier, à Paris en janvier.

Cyril Mokaiesh, depuis ses débuts en 2010, carbure aux sentiments, plein de romantisme et d’exaltation, en équilibre sur le fil de ses émotions. À vingt-huit ans, il est un des rares chanteurs de sa génération à exprimer avec fougue ce qu’il ressent de l’existence. Il force un peu trop sa voix parfois. Et alors ? Il fonctionne aux élans du cœur, qui sont, confie-t-il, « une forme d’émotion à vif » : « C’est Cocteau qui disait que les gens ont peur des profondeurs dangereuses et succombent plus facilement à la supercherie des sentiments. La prudence, cela m’est finalement étranger. Si je veux mettre du souffle dans ce que je fais, il faut qu’il y ait du souffle dans ma vie. » Bien sûr, il lui arrive de douter, surtout le jour, qui souvent laisse place aux questions existentielles. D’où cette chanson, la Nuit, extraite de son nouvel album L’amour qui s’invente ; la nuit où il se sent revivre, prêt de nouveau à rêver : «J’crains plus l’avenir / Je peins la vie comme ça me chante. » : «Quand on fait un métier de chanteur, on cherche un certain dérèglement des sens. La nuit c’est l’imaginaire, comme une revanche sur le jour. On peut s’inventer un personnage. Intérieurement, je me sens plus libéré.»

Cyril Mokaiesh avait magnifiquement surpris son monde en 2012 en sortant l’album Du rouge et des passions, où résonnait le titre Communiste, interprété dans le clip, drapeau rouge en main. Il y avait déjà du souffle, un engagement poétique, une écriture ciselée de facture classique très littéraire, rare dans le paysage des musiques actuelles, et des envies d’un monde meilleur. Tout comme dans Des jours inouïs dont les paroles traduisaient l’époque et son isolement : «C’est par où qu’on se marre ?» chantait-il. Avec L’amour qui s’invente, l’émotion est de nouveau là, les mots toujours percutants, dans un style moins emphatique, tourné vers le sentiment amoureux : «C’est un album où je parle plus facilement à la première personne alors qu’avant j’utilisais plus le “nous” ou le “on”. Il y a sans doute quelque chose de plus introspectif. J’ai essayé de décortiquer tous les états amoureux que j’ai pu rencontrer.» À l’image de la Demande, une chanson où il déclare sa flamme à son amie Juliette : «C’est vrai que j’ai demandé en mariage ma copine, sourit-il. Je suis au plus près de ce que je vis !»

«J’ai envie d’être acteur de ma génération »

Après la tournée Du rouge et des passions, il a ressenti le besoin de faire un break. Il est parti pour l’Argentine afin de se ressourcer : «Il fallait que je retrouve le calme et l’harmonie. Je me sentais à l’étroit dans mon quotidien à Paris. Je voulais consacrer cette année à l’écriture car j’ai besoin de vivre des choses pour raconter, les digérer et en faire des chansons. Cela a été une libération que de me dire : je prends mon sac, un billet d’avion et je vais à l’aventure.» Il lisait Borges, Machado, Neruda, «une poésie plutôt latine» qui attisa son désir de partir pour l’Argentine où il est resté presque trois mois. Il a acheté une guitare là-bas et a aussitôt écrit une chanson sur Buenos Aires : «Une ville dont je garde un souvenir énorme, où j’ai tout de suite senti que j’étais bien accueilli. Aller de nulle part à nulle part, être sans cesse dans mon projet de création, j’avais le sentiment d’une liberté totale.» Un voyage qui lui a permis de se réinventer et de livrer des chansons chargées de sens comme Ô jeunesse, qui fait écho à Mon Époque, de son précédent opus : «Dans cette chanson j’essaie de dire à la jeunesse que je l’aime. Parfois, j’aimerais qu’elle écrive un peu plus l’Histoire. On est à un carrefour et plein de choses sont possibles. J’ai envie d’être acteur de ma génération, et qu’elle soit actrice de l’avenir qu’elle veut. Qu’elle soit consciente du pouvoir qu’elle a.» La passion et l’engagement toujours…



Concert: le 16 juin à la Cigale, 120 bd de Rochechouart Paris 18. Tel: 0142231515

Winston Mc Anuff et Fixi, un nouveau jour pour le reggae (A New Day)


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Le chanteur jamaïquain et le pianiste accordéoniste parisien viennent de se produire au Printemps de Bourges à l’occasion d’un plateau rasta très groovy au W, 
aux côtés de Naâman, Taïro, Danakil, Alborosie et Biga Ranx.

Un piano, un accordéon, une voix envoûtante… il suffit parfois de peu de chose pour qu’un climat s’installe. Un univers venu de loin qui mêle des ambiances inspirées des musiques de la Jamaïque ou de La Réunion, imaginé par deux amoureux fous de sonorités voyageuses. Winston McAnuff, le chanteur, et Fixi, compositeur pianiste et accordéoniste, se sont rencontrés en 2007, lors de leur premier album, Paris Rockin’, aux côtés du groupe parisien Java. Un disque qui connut immédiatement un beau succès et les encouragea à poursuivre leur route ensemble et à sortir à l’automne l’excellent album A New Day.

« C’est une chanson de partage et de générosité »

Fils de pasteur jamaïquain, Winston est à l’origine d’un chant dont la culture reggae prend ses racines du côté de Kingston. Fixi, lui, a convoqué l’esprit de Paname avec un rock-musette très groovy. Un mélange apparemment improbable, sauf pour Fixi qui adore croiser et fusionner les genres : « Winston et moi avons des cultures différentes en nous, mais aussi des points communs, comme les rencontres, le voyage, le goût du risque. Nous sommes un peu des chercheurs ! (rires). » Il y a bien sûr les sensibilités de chacun qu’ils ont réussi à conjuguer dans l’album A New Day, porté par le titre fédérateur aux sentiments humanistes Garden of Love : « Pour moi, c’est un peu dire que l’amour peut arriver dans n’importe quel endroit du monde, à n’importe quel moment, confie Winston. C’est une chanson de partage et de générosité. » Tous les deux partagent les mêmes valeurs d’une musique sans frontière. Un style crossover et dansant très réussi : « Notre univers est influencé par différents styles qu’on a digérés, dit Fixi, en provenance de la Jamaïque et de La Réunion, où nous sommes allés tous les deux. Il y a aussi de l’afrobeat. Un mélange de plein de sonorités qui nous excitaient et qu’on a transformées à notre sauce. »

Un répertoire dont les chaudes ambiances reposent sur l’utilisation des claviers et en particulier de l’accordéon joué par Fixi de façon moderne : « J’essaie de dépasser le côté traditionnel. C’est un instrument expressif que l’on peut détourner comme une guitare électrique. J’utilise certains effets pour lui donner une autre dimension, le transformer, lui faire mal. Il aime ça ! (rires). » Fixi a d’abord appris à jouer de la batterie, puis du piano et du trombone, avant de tomber amoureux de l’accordéon : « C’est un instrument que j’ai commencé à pratiquer sur le tard, à la suite d’une réflexion sur la musique française, son identité. On croit souvent qu’on ne le pratique qu’ici, alors qu’on en joue dans le monde entier. » Et Fixi d’ajouter : « C’est un peu comme notre rapport à l’immigration, la différence, l’ouverture, le mélange. Je trouvais intéressant d’utiliser cet instrument par essence voyageur, pour l’amener un peu plus vers d’autres territoires. »

Le territoire d’A New Day a des allures de grand jardin jamaïquain traversé par la soul et le gospel, où la voix de Winston McAnuff s’exprime en beauté pour mieux faire voyager l’imaginaire : « Parfois les chansons ont un message souligne-t-il, comme dans Garden of Love. Cela ne vient pas vraiment de soi, de l’interprète, mais d’ailleurs. On devient comme un médium, en tant que chanteur ou musicien. » Une rêverie qui a quelque chose de magique et de mystérieux, qui anime Winston depuis toujours. Fixi et lui considèrent que la musique a des vertus thérapeutiques : « C’est mieux que la médecine ! sourit Winston. Souvent après les concerts, les gens nous disent que notre musique leur fait du bien, qu’ils se sentent mieux. Ça leur permet de se vider l’esprit et d’accéder à autre chose. » A New Day aborde différents thèmes, comme l’amour, la joie d’être ensemble ou la résistance au système. À l’image des titres One Two Three ou encore d’Economical Crisis : « Le titre de l’album, A New Day, fait écho à une volonté de sortir du désespoir pour arriver à bouger. Quelle que soit la situation, même si elle est mauvaise, on peut changer les choses. » Un regard conscient et positif sur la vie, comme le laisse entendre la chanson I Am a Rebel : « Elle dit qu’il faut se battre pour parvenir à être soi-même et accomplir sa destinée », raconte Winston McAnuff.

Une philosophie rasta teintée de « spirit rural », qui va bien aux deux musiciens qui se produits sous le chapiteau W (le 25 avril) , accompagnés du beatboxer Marcus : « On n’a pas voulu de batterie ni de grosses basses comme ça se fait souvent, précise Fixi. C’est une manière de se mettre en danger, de garder un esprit authentique, en laissant de l’espace à la voix de Winston. »

Album A New Day/ Wagram music. Tournée jusqu’au 3 novembre.
Site: https://www.facebook.com/winstonmcanuff