Julien Clerc : «L’amour a été un des marqueurs de ma vie»


julienClercAlbum  À nos amours de julien Clerc  par Victor Hache. Le chanteur fête ses cinquante ans de carrière et part en tournée avec À nos amours. Un album au souffle romantique réalisé par Calogero, avec la complicité de nombreux auteurs, dont Maxime Le Forestier, Marc Lavoine, Brigitte Fontaine, Vianney. Rencontre.

 

Il y a dans vos compositions un côté lumineux, voire aérien. Comment parvenez-vous à vous échapper des pesanteurs du quotidien ?

Julien Clerc Il faut un imaginaire fort ! (rires). Je me réfugie souvent dans mes lectures, le passé, le romantisme. Je lis Balzac, Jack London, Maupassant. Là, je vais m’atteler à une biographie en anglais d’Atatürk. Je vais souvent en Turquie et la transformation qu’il en a faite m’interpelle. C’était un homme d’État incroyable, qui, en moins de vingt ans, a fait entrer son pays dans la modernité, qu’on est en train de détricoter aujourd’hui.

Vous avez toujours chanté magnifiquement le sentiment amoureux. Quel est le secret d’un bon interprète ?

Julien Clerc C’est vrai que l’amour a été un des marqueurs de ma vie. Cela a l’air idiot, mais il faut avoir envie de chanter le texte qu’on vous présente. Parfois, les auteurs ne comprennent pas pourquoi je leur refuse un texte. C’est parce que ça ne va pas avec mon cœur. Je regarde si je vais être inspiré, si cela parle de quelque chose qui n’a jamais été ou pas tellement traité. Comme les Petits Souliers, de Bruno Guglielmi, dont le thème est la femme qui n’a pas eu d’enfant. À partir de là, j’essaie de bien l’interpréter. Dans le tour de chant, il va y avoir une reprise de Gilbert Bécaud, C’est en septembre, une chanson qui parle de la Méditerranée. C’est l’idée que je garde de Bécaud, dont j’ai fait les premières parties tellement longtemps.

À propos de Calogero, qui a réalisé votre album, vous dites : « Ça s’est passé comme dans un rêve. » Qu’aimez-vous de sa vision de la musique ?

Julien Clerc On se ressemble. Nous sommes très musiciens et j’ai envie de dire des autodidactes éclairés. Tout passe par l’oreille. Il n’y a aucun intellect là-dedans. Il est profondément musicien. Toute ma vie a été la musique. Je sais repérer les musiciens dans l’âme et ceux qui ne le sont pas, ceux qui trichent. Je les entends tout de suite. Calogero aime la musique au plus profond de lui. C’était le meilleur traducteur possible du moment où j’en suis dans ma vie de musicien. Nous avons en commun ce goût de la mélodie et du lyrisme.

Parlez-nous de la chanson Aimé. Un hommage au poète Césaire et à vos racines antillaises ?

Julien Clerc  Ça, c’est la délicatesse de Marc Lavoine d’avoir fait référence de cette façon à mes racines. Un texte qui dit les bateaux en exil, les plages qui font écho à tous ces pauvres gens qui sont sur la mer, et il y a de très belles lignes sur la négritude : « Nu comme libre/Libre et debout. » Tout y est, dans cette chanson.

Vous fêtez vos cinquante ans de carrière. Toutes ces années, ça a été comme un rêve, non ?

Julien Clerc En tout cas, il y avait la dose suffisante d’inconscience pour que ça paraisse un rêve. On fait un drôle de métier d’artisan aux côtés de la grande industrie. Je me suis suffisamment protégé pour traverser tout ça, en ménageant l’espace pour être un créateur. Je ne le connais pas, mais je suppose que toute sa vie, Mick Jagger a été conscient du réel, tout en étant capable d’être un poète du rock’n’roll. Jean-Jacques Goldman a été conscient de la réalité économique et capable d’écrire des chansons populaires. Moi, l’économie ne me parle pas. Je m’en méfierais plutôt. Cela a été ma façon de pouvoir faire ce pourquoi je m’étais programmé, c’est-à-dire écrire des chansons et les chanter pour les gens.

Auriez-vous pu imaginer un tel parcours à vos débuts en 1968 ?

Julien Clerc Pour dire la vérité, je m’estimais dès le départ dans la longueur. Parce que les gens que j’admirais qui étaient dans la grande chanson française étaient ceux qui faisaient de longues carrières. Même chez les Anglo-Saxons, je ne me suis pas trompé puisqu’on peut encore en voir certains sur scène, qui me faisaient rêver étant jeune, comme McCartney, Dylan. Dès le début, j’ai pensé que j’étais là pour durer et que je ferais ce qu’il faut pour ça. Et j’ai trouvé les compagnons de route évidents pour ne pas le faire à n’importe quel prix.

Album À nos amours, chez Parlophone/ Warner Music. Tournée des cinquante ans partout en France, dont Paris les 9, 10, 11 mars à l’Olympia ; les 16, 17, 18 mars, salle Pleyel ; le 4 mai, au Théâtre des Champs-Élysées.

Cyril Mokaiesh : « Cette société va droit vers son chaos »


mokaiesh1

Cyril Mokaiesh : « Je crois aux hommes, qu’on a un temps de passage sur Terre et qu’on a des choses à y faire.»

Cyril Mokaiesh sort l’album Clôture par Victor Hache. L’interprète de Communiste revient avec Clôture. Un album fort et émouvant, mêlant romantisme, manifeste et regard politique où il parle de l’austérité de l’époque, de l’Europe, du FN ou des attentats, porté par un salvateur vent de révolte contre l’ordre du monde qu’il rêve de réinventer.

Un manifeste, un besoin de parler de l’époque, de ses rêves brisés et de ses violences sociales… Comment doit-on entendre Clôture  ?

Cyril Mokaiesh Il y a peut-être dans ce mot le sentiment d’enfermement de la vie dans laquelle on évolue. Ce sont les chants d’un partisan, un manifeste de quelqu’un qui doute, se pose des questions. Quelqu’un qui n’est pas toujours à l’aise avec son temps, son époque, un peu méfiant, sceptique du mot progrès, médias, politique, du mot amour parfois. Quelqu’un qui a ses raisons et ses blessures, qui n’a pas peur de les jeter en musique, en chansons avec comme fil conducteur une espèce de tendresse. Ce n’est pas exactement comme ça qu’on voyait les choses, donc, qu’est-ce qu’on fait ? Il y a une phrase de Jaurès que j’aime : « Il faut qu’il y ait conscience avant qu’il y ait révolution. » Être un chanteur conscient aujourd’hui, ça me paraît pas très loin de ce qu’évoquent mes textes.

« Parler de son époque est presque un devoir, dites-vous, surtout quand il y a autant de blessures, de tensions, de larmes. » D’où vient ce désir d’engagement de votre part ?

Cyril Mokaiesh J’aurais tendance à dire que j’essaie de faire du beau avec le réel. Je parle de tout en agençant les mots de manière à ce que cela puisse être musical en mettant un point de vue et suffisamment d’ouverture pour que ça reste parfois un point d’interrogation, parfois une colère. Il y a des gens qui trouvent leur exaltation à travers un dieu. Moi, je pense que tout est ici. Je crois aux hommes, qu’on a un temps de passage sur Terre et qu’on a des choses à y faire.

D’un point de vue artistique, ce ne doit pas être évident d’écrire sur des thèmes comme l’austérité, l’Europe, le FN, les attentats…

Cyril Mokaiesh Pour le coup sur cet album, ça a été assez naturel. Je lis les journaux, je regarde les gens autour de moi. Aujourd’hui, il y a un état de fait qui est la crise, l’austérité, l’Europe, l’information, ce qu’on voit à la télé qui nous révolte et parfois nous fait perdre espoir. Ne serait-ce que d’en parler avec des gens ou de ressentir dans sa propre vie le manque de perspective ou la peur de disparaître dans toute cette marée descendante, cela fait prendre la parole, la guitare, la plume pour essayer de dire, en trois minutes, quelque chose qui a un peu de résonance. Le problème est que ce n’est pas tellement à la mode aujourd’hui, la chanson.

Vous trouvez que la chanson a du mal à exister dans les médias ?

Cyril Mokaiesh Oui, vraiment. C’est difficile d’avoir accès à la radio, à la télé. Il faut aller chercher l’information pour savoir ce qui se fait dans l’héritage de la chanson à texte. Heureusement, il y a quelques médias qui jouent le jeu, qui ont des coups de cœur. Je pense à France Inter, Fip, l’Humanité et peut-être d’autres journaux qui s’intéressent épisodiquement à un projet qui leur va. Mais, globalement, c’est dur en ce moment d’embrasser la chanson, de la défendre, de pouvoir en vivre. Chanter tout seul, à deux, adapter les formules… j’y suis prêt. J’ai envie que mon album puisse rencontrer les gens. Maintenant, monter une tournée autour d’un silence, d’une absence dans les circuits, c’est très difficile et ce n’est pas évident de faire bouger les gens.

Quelle lecture faites-vous de la Loi du marché, une chanson forte sur l’Europe (en duo avec Bernard Lavilliers), à laquelle vous reprochez « d’avoir fait le baisemain à l’austérité son Altesse »  ?
Cyril Mokaiesh: C’est plus un constat, une colère des vœux pieux de Robert Schuman dont on entend le discours dans la chanson, d’une Europe d’ouverture, de partage, de redistribution, de rêve. On voit aujourd’hui où nous mène le capitalisme. La chanson parle de ceux qui exercent le pouvoir sur ceux qui n’en ont pas. Je dis toujours, il faut arrêter de vouloir donner le pouvoir à ceux qui le veulent. Quand on veut le pouvoir, on se met forcément du côté de ceux à qui on va devoir rendre des comptes, ne serait-ce que pour financer ses campagnes, arriver là où on veut arriver. Et finalement, on ne peut pas tenir ses promesses même quand elles sont aussi claires que « mon ennemi principal, c’est la finance ». On se rend bien compte de l’incapacité, de l’impuissance du politique face à une société établie qui s’appelle le capitalisme. Cela fait vieux altermondialiste de dire ça, mais, en réalité, ce n’est pas autre chose. Pendant ce temps, il y a ceux qui se font délocaliser, qui n’ont plus de boulot, qui sont dans le film la Loi du marché de Stéphane Brizé, qui a fait véritablement un zoom sur ces pauvres gens. C’est se rendre compte réellement dans quel sens marche la vie qui tourne autour de 5 % de personnes qui détiennent 98 % des richesses. Les autres n’ont qu’à bien se tenir, fermer leur gueule. Quand on voit ce qui s’est passé à Air France et le mec qui a arraché la chemise du DRH, on a l’impression qu’il y a une coalition qui se met en place pour montrer de quel côté est la violence, à savoir du côté de celui qui arrache la chemise. Permettez-nous d’en douter ! La violence, elle est du côté de ceux qui font déjà du chiffre d’affaires et se permettent de mettre 5 000 ou 10 000 personnes sur la paille pour se privatiser et faire aussi bien que le concurrent. C’est tout ce système-là qu’il faut arriver à démonter point par point et se dire de notre vivant qu’il y a peut-être une issue possible. En tout cas, je l’espère puisque celle-là ne convient pas.
Dans Je fais comme si, vous semblez regretter qu’il n’y ait plus ni folies ni grands soirs et vous ajoutez « sur la rose évanouie tombe la pluie ». Comme si vous étiez peut-être déçu par la gauche ?
Cyril Mokaiesh : Je suis déçu par la gauche du gouvernement. J’aime bien rappeler que les primaires de gauche vont bientôt commencer, mais ce sera exactement pareil. Il faudra mettre 2 euros et adhérer aux valeurs de la droite ! (rires). Mais pour dire vrai, c’est une chanson d’amour. Ce qui est marrant, c’est que je ne peux m’empêcher de parler politique avec engagement dans l’amour et parfois dans des thèmes plus sociaux. Tout se mélange. Quand on porte de l’espoir, qu’on donne sa voix à quelqu’un, c’est comme s’engager en amour et quand tout d’un coup, l’avenir se réduit, la trahison arrive, les belles promesses décrépissent et on en tire les conséquences.
 
En 2011, dans un article pour l’Humanité vous écriviez « vivre, c’est repousser l’heure de la déception ». C’est une vision profondément pessimiste !
Cyril Mokaiesh: C’est vrai que je ne suis pas optimiste. Il y a ce mot de René Char : « La lucidité, c’est la blessure la plus proche du soleil. » Je crois qu’on en a encore pour un bon moment à être spectateurs de cette société du spectacle dont parlait Guy Debord, qui va droit vers son chaos. Dans les derniers instants d’une civilisation ou d’une société qui n’a décidément pas envie de se remettre en question, il y a toujours des beaux moments. C’est après ces moments-là que je cours. On peut imaginer un bateau qui coule et un quatuor à cordes qui continue à jouer pour des amoureux, des rêveurs, des utopistes ou des révolutions. C’est une belle image.

Souchon, Voulzy à quatre mains et deux voix magiques.


SouchonVoulzy

Cela fait des années qu’ils écrivent ensemble mais jamais ils n’avaient enregistré de disque commun. Ils sortent aujourd’hui un magnifique premier album aux influences britpop. Un petit bijou à écouter en boucle qui couronne quarante ans d’amitié entre les deux chanteurs.
C’est une nouvelle aventure dans leur carrière respective. Si Alain Souchon et Laurent Voulzy ont souvent composé et écrit l’un pour l’autre, jamais ils n’avaient enregistré de disque commun. C’est chose faite avec ce premier album écrit à quatre mains et chanté à deux voix qui vient couronner quarante ans d’amitié et de chansons à succès. Un disque aux ambiances britpop teinté de musiques médiévales ou celtes d’une incroyable beauté, très addictif. À écouter en boucle pour se consoler des malheurs du monde.

Vous n’aviez jamais sorti d’album commun. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

ALAIN SOUCHON On n’a pas attendu. On a chacun notre vie artistique différente. Laurent chante ses chansons dans un certain contexte, moi dans un autre. Comme on va souvent à la campagne, dans les églises ou sous les ponts où ça résonne, on s’arrête et on chantonne pour le plaisir. L’air vibre d’une certaine manière et ça nous plaît beaucoup. Un jour, Laurent a dit : « Et si on faisait un disque chanté ensemble ? »

C’est difficile d’écrire à quatre mains ?

ALAIN SOUCHON Musicalement, tout ce que fait Laurent me plaît. Donc, le choix musical a été assez facile. Par contre, pour les paroles, c’est quand même un peu le reflet de l’âme de quelqu’un. On a des personnalités, des préoccupations différentes dans la vie. Il fallait que cela nous convienne à tous les deux sans que ce soit fade.

Quand on vous écoute chanter, on sent 
une harmonie et une parfaite osmose entre vous. Vous n’avez jamais de visions contradictoires ?

LAURENT VOULZY Ce n’est pas une question d’avis, mais de ressenti, de goût artistique. C’est l’image du verre à moitié vide et à moitié plein. Alain a une vision du monde un peu désespérée. Moi, je trouve que le monde est parfois désespérant, mais j’ai un peu plus d’espoir. On a trouvé une façon de le dire et surtout des sujets sur lesquels on est « étale », à l’aise, comme avec la chanson Consuelo ou Bad Boys par exemple…

SouchonVoulzy2

Laurent, sauriez-vous dire ce que vous aimez chez Alain  ?

LAURENT VOULZY Sa façon de voir les choses. Je suis lent en tout, non seulement lorsque je cherche à composer, mais je suis lent dans la vie. Alain, lui, est extrêmement rapide, cela m’oblige à me bouger. Il m’a appris beaucoup sur les choses simples, l’esthétique. Il y a peu de gens qui s’arrêtent devant un mur de pierres en Bretagne, qui disent « regarde, comment ils ont construit tout ça, tu te rends compte, des murs en pierres sèches ! ». Il a été un accélérateur pour moi. Et, depuis quarante ans qu’on écrit ensemble, je trouve que son écriture est bluffante.

Et vous, Alain, qu’aimez-vous de Laurent  ?

ALAIN SOUCHON J’étais très moyen musicalement et j’ai été ébloui par sa culture musicale, sa façon de faire de la musique, de créer des airs, des suites harmoniques raffinées. Ça m’a toujours impressionné et beaucoup apporté. Grâce à ma rencontre avec lui, ma vie a changé. Je faisais des chansons qui n’intéressaient personne et dès que j’en ai écrit une avec lui, J’ai 10 ans, on a eu beaucoup de succès. On a fait J’suis bidon, c’était pareil. Après, on fait Rockollection pour Laurent, et les filles ont commencé à hurler après lui (rires). J’ai toujours admiré le créateur, le musicien et l’homme dans la vie. Laurent est tellement bienveillant et agréable à vivre.

L’album mêle différentes ambiances, chanson, pop anglaise, musiques médiévales, celtes… Votre palette musicale est très large !

LAURENT VOULZY J’ai été influencé par tout ce que j’ai entendu dans ma vie. Je rentre toutes les musiques dans mon panier de cuisinier, avec de plus en plus d’ingrédients. La pop anglaise m’a marqué, la musique brésilienne quand j’apprenais la guitare m’a marqué et plus tard la musique médiévale et la musique celtique. La musique antillaise de la Guadeloupe a été la première que j’ai entendue. J’ai tout ça en moi avec en plus la chanson française que j’écoutais petit, sur Radio Luxembourg. André Claveau, Charles Aznavour… Tout cela est dans tous mes disques. Par exemple, la chanson les Fleurs du bal est extrêmement celtique en même temps avec des influences de Mark Knopfler. Un autre morceau va être beaucoup plus british pop « beatlesien ». Dans Oui, mais, quand on a orchestré, j’ai mis une guitare douze cordes, d’un seul coup, ça nous a rappelé l’ambiance de Lady Jane. Parfois la musique est inspirée par le XIIIe, XIXe siècle, comme sur le texte d’On était beau. C’est un mélange de tout.

Dans Derrière nos voix, vous chantez « est-ce que l’on voit nos cœurs et les tourments à l’intérieur » … C’est important, quand est artiste, de savoir comment les gens 
entrevoient réellement les sentiments derrière les mélodies ?

ALAIN SOUCHON Bien sûr que c’est important ! Est-ce qu’on voit ce qu’on veut dire vraiment dans nos chansons, que c’est plus profond qu’on ne croit ? Est-ce qu’on fait bien notre travail ? Les êtres humains ne se comprennent pas, c’est pour ça qu’ils se battent tout le temps. Ils ont une apparence et il y a le reste derrière, qui est souvent bouleversant.

Il peut y avoir aussi des envies de refaire le monde…

ALAIN SOUCHON C’est ce qu’on dit dans la chanson : « On était beau, on avait des idéaux. » On avait envie de refaire le monde à partir du moment où les Rolling Stones sont arrivés avec le rock, ils avaient envie de montrer à la bourgeoisie dominante : « Vous voyez, on s’habille comme des pirates, et on dit aux filles “venez baiser avec nous !” » (rires). C’était la révolution qui a amené petit à petit à 1968, au mouvement hippie, ce désir que le monde bascule, change. Qu’il y ait plus de liberté, d’amour, de sexe, de gentillesse.

Quelle lecture faites-vous de l’Oiseau malin où vous chantez « prenez garde à ceux qui n’ont rien, à ceux qu’on laisse au bord du chemin » .

ALAIN SOUCHON Les révolutions sont faites par les gens qui n’ont rien. Ce sont eux qui font que le monde avance, qu’il y a des lois sociales. Les nantis qui vont bien, ils n’ont pas envie que ça change. Les gens qui n’ont rien sont extrêmement importants. Il faut les prendre en compte. Je ne veux donner de leçon à personne, je ne sais pas comment résoudre les problèmes, mais je vois bien que ça ne va pas, qu’il y a des tas de zones d’ombre dans nos sociétés et que c’est difficile à vivre pour certains. LAURENT VOULZY J’écoute avec attention ce que dit Alain. Mais dans ce « prenez garde à ceux qui n’ont rien », on pourrait presque entendre « ça va péter », comme une révolte sourde qui peut exploser.

Ca fait quoi d’être comparés à Lennon- McCartney ou Simon and Garfunkel ?

ALAIN SOUCHON Vous nous comparez à des géants alors que nous ne sommes que des lilliputiens puisqu’on est français. Ce sont des gens qui ont inondé la planète avec leur musique. J’ai été influencé bien sûr par la musique anglo-saxonne. Mais au départ les chansons françaises m’ont bouleversé, de Gainsbourg, Brassens. Je trouvais même que c’était supérieur à la musique anglo-saxonne qui était belle et donnait souvent envie de bouger. S’il n’y a pas de paroles, je m’ennuie. Il faut que je comprenne. Je me disais quand même avec une chanson comme Locomotive d’or, de Nougaro, ils peuvent s’accrocher, les mecs ! LAURENT VOULZY Moi, Penny Lane me donne plus d’émotion. Chez les artistes qu’Alain a cités, la musique est toujours magnifique. Il n’y a pas de grande chanson française s’il n’y a pas une musique formidable comme avec Charles Trénet, Brassens, Léo Ferré, Guy Béart. Sinon, c’est de la poésie…

Album Alain Souchon & Laurent Voulzy (Warner Parlophone). 
Tournée du 20 avril au 17 décembre 2015. Concerts du 4 au 7 mai au Palais des Sports de Paris (15e). Rens. : 01 48 28 40 10.

Jean Ferrat célébré en son village d’Antraigues


ferrat1

Le 4e Festival Jean Ferrat mêle chanson et humour avec de nombreux artistes dont Vincent Roca, Gérard Morel, Nathalie Miravette, Bernard Joyet, Serge Llado ou Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino.

Quatre ans déjà que le Festival Jean Ferrat, à Antraigues-sur-Volane (Ardèche), met en lumière l’œuvre du chanteur de la Montagne, qui nous a quittés le 13 mars 2010. Le village ardéchois que le chanteur a tant aimé avait tenu à lui rendre hommage en proposant au public un festival dédié à sa mémoire. Ainsi voyait le jour, en 2011, le Festival Jean Ferrat, baptisé À l’ombre bleue du figuier. Trois jours où furent célébrées la poésie et la chanson, en compagnie des amis proches de Jean. L’année suivante, la manifestation intitulée Un oiseau rouge dans la tête, fut l’occasion de revisiter la chanson de Jean au travers de la reprise de ses œuvres. Puis ce fut la création, à l’initiative de Colette Ferrat, son épouse, de l’association Jean Ferrat culture et chansons à Antraigues et de Passerelle Productions, chargée de la direction artistique. La troisième édition aura ainsi permis d’assister à une création réunissant de grands noms de la chanson en hommage à Jean Ferrat.

L’association organisatrice de l’événement souhaite aujourd’hui « offrir un regard et un éclairage sur un aspect de l’œuvre de Jean Ferrat, à travers des rendez-vous récurrents ». Les prochaines éditions pourraient ainsi se décliner autour de l’humour et l’esprit critique, l’engagement humaniste, l’amour et le bonheur, la rencontre avec Aragon. Une place plus importante devrait être faite aux créations originales, portées par « des artistes soucieux de faire partager leur goût pour l’œuvre de cet artiste majeur de la chanson française ». Cette année, de nombreux artistes revisiteront l’univers de Ferrat au travers de leurs spectacles inspirés de ses chansons qu’ils gardent dans leur cœur, certaines cultes et d’autres moins connues, à l’image de Vincent Roca, Gérard Morel, Nathalie Miravette, Bernard Joyet, Serge Llado, Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino. « Rendez-vous avec Jean Ferrat, humeur et humour en chanson », le thème du festival 2014, permettra d’apprécier un des aspects de la personnalité du chanteur qui avait « un solide esprit critique et un vrai sens de l’humour ».

Les 19 et 20 juillet à Antraigues-sur-Volane.