Renaud a la banane et un moral d’enfer


Renaud « Toujours Debout » par Victor Hache. Le chanteur revient avec Toujours debout, où il affirme être « retapé, remis sur pieds », en attendant un album en avril.

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Depuis mardi et la publication de Toujours debout, un titre très personnel extrait d’un nouvel album à paraître en avril, Renaud fait le buzz sur les réseaux sociaux (1,7 million de vues de la chanson sur YouTube en trois jours).

Les positions sont tranchées et très clivantes. On aime ou on déteste, les uns criant bravo, touchés par l’éternelle tendresse du chanteur, d’autres attendant mieux, regrettant des paroles faibles au regard de la plume engagée de l’auteur d’Hexagone. Réussie ou ratée, la chanson de Renaud ? Chacun jugera. Ce qui est sûr, c’est que le retour de l’artiste ne laisse pas indifférent.

Qu’on se le dise, Mister Renard va mieux et a un moral d’enfer ! Le chanteur a arrêté de boire « depuis cent vingt-huit jours ». Résultat, il ne s’est jamais autant senti en forme : « J’suis retapé, remis sur pieds, droit sur mes guibolles, ressusité », chante-t-il sur fond de guitares pop-rock. Et de clamer : « Toujours vivant, rassurez-vous, toujours la banane, toujours debout. Il n’est pas né ou mal barré le crétin qui voudra m’enterrer. » À 63 ans, retiré à L’Isle-sur-la-Sorgue depuis sept ans après une déprime, il pensait ne plus avoir d’inspiration. Il s’est remis à écrire à la suite de sa rencontre avec Grand Corps Malade, avec qui il avait enregistré Ta batterie sur le dernier album du slameur, Il nous restera ça, et a repris confiance en lui : « Le dragon qui sommeille en moi s’est réveillé et a commencé à cracher sa flamme, son feu d’écriture », a-t-il confié avec humour sur France Inter au micro de Didier Varrod.

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« Toutes ces rumeurs sur ma santé, on va pas en faire une affaire. que celui qui n’a jamais titubé me jette la première bière. »

L’auteur de Laisse béton, qui, depuis Rouge sang (2006), n’avait pas sorti de chansons originales, a ainsi écrit 14 nouveaux titres en quinze jours, dont ce morceau très direct où il met en boîte les médias, « je fais plus les télés, j’ai même pas Internet, arrêté de parler aux radios, aux gazettes. Ils m’ont cru disparu, on me croit oublié. Dites à ces trous du cul que j’continue de chanter » et règle ses comptes avec les paparazzis, « tous ces chasseurs de primes, paparazzis en embuscade, qui me dépriment et qui n’impriment que des ragots, que des salades ».

« Toutes ces rumeurs sur ma santé, on va pas en faire une affaire. Et que celui qui n’a jamais titubé me jette la première bière », lance-t-il d’une voix qui paraît moins abîmée, même si elle reste encore peu assurée : « J’étais un chanteur qui buvait, maintenant, je suis un buveur qui chante », sourit Renaud, qui se voit comme un « Phénix qui renaît de ses cendres ».

De quoi réjouir les fans de l’auteur de Mistral gagnant, qui fera son grand retour sur scène dès le 1er octobre avec une tournée composée de plusieurs Zénith à Paris et en province, qui passera par la Belgique, le Canada et la Suisse.

David Bowie. Le rock pop art


Bowie1.jpgLa mort de David Bowie par Victor Hache. Légende du rock britannique et artiste aux mille visages, David Bowie est mort des suites d’un cancer deux jours après la sortie de son dernier album, Blackstar. Il laisse une œuvre avant-gardiste qui a marqué l’histoire en mariant musiques expérimentales et populaires. 
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Cela faisait plusieurs années qu’il se battait contre la maladie, et les rumeurs les plus alarmantes couraient sur lui. Mais à chaque sortie d’album, comme en 2013 avec The Next Day, on espérait que tout cela n’était pas vrai. David Bowie avait réussi à faire croire qu’il était immortel. Mais depuis lundi 11 janvier au matin et l’annonce de son décès, c’est toute la planète musicale qui est plongée dans le deuil, sous le choc de l’immense perte de celui qui restera comme l’un des plus créatifs musiciens du siècle : « David Bowie est mort paisiblement aujourd’hui entouré de sa famille à l’issue d’un courageux combat de dix-huit mois contre le cancer », pouvait-on lire sur les comptes Twitter et Facebook de la pop star anglaise décédée dimanche à soixante-neuf ans, quelques jours après la sortie de son 25e album, Blackstar. Un disque aux atmosphères étranges de pop-rock teinté de free jazz, où Bowie explore des esthétiques souvent sombres au travers d’une voix presque fantomatique interprétant « je suis une étoile noire » comme s’il se savait arrivé au bout du chemin. Artiste aussi génial qu’hors norme, il n’a eu de cesse durant près de cinquante ans de chercher des sonorités nouvelles, qui étaient pour lui une façon de toujours se renouveler. Sa musique n’était en fait qu’un prétexte à une démarche plus globale qui alliait le théâtre, la mode et le pop art à la Andy Warhol. Une théâtralité dans laquelle réside la clé d’un artiste protéiforme qui fut tout à la fois chanteur, comédien, metteur en scène et créateur de costumes de scène. Un homme élégant, aux mille visages, qui influença aussi bien les artistes punk-rock comme Lou Reed ou Iggy Pop, avec qui il collabora durant sa période berlinoise avec notamment le titre China Girl, que le public qu’il a su amener vers les tendances musicales les plus avant-gardistes.

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David Robert Jones était né le 8 janvier 1947 dans une famille modeste de Brixton à Londres, quartier populaire du sud de la capitale britannique. C’est son frère aîné qui lui fait découvrir le jazz et la littérature avec des auteurs comme Allen Ginsberg ou Jack Kerouac.

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Il quitte l’école très tôt et commence une carrière semi-professionnelle à l’âge de seize ans, où il joue du saxophone dans des clubs de Soho. Une époque prolifique où celui qui n’est encore qu’un mod londonien forme le groupe Kings Bees avec lequel il sort son premier 45tours, qui n’aura aucun succès. Mais il parvient à se faire remarquer. En 1965, il prend alors le nom de David Bowie, https://www.facebook.com/davidbowie, en référence au capitaine Jim Bowie dans le film Alamo et au couteau Bowie-Knife, utilisé pendant la guerre de Sécession.

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L’importance de l’apparence

Après une série de singles plutôt décevants, il traîne sa solitude, continue de composer à la guitare et s’exerce à un style plus personnel, tout en hésitant encore entre la musique, les techniques théâtrales qui allaient fonder son œuvre et le cinéma. Il sera acteur dans le court-métrage Image de Michael Armstrong, avant de mener plus tard une carrière au cinéma, jouant dans de nombreux films comme l’Homme qui venait d’ailleurs, Furyo, les Prédateurs, la Dernière Tentation du Christ, ou encore Basquiat. Il travaillera aussi pendant trois ans dans la troupe du mime Lindsay Kemp, où il découvre le théâtre d’Antonin Artaud et les livres de Jean Genet, qui auront une grande influence sur son œuvre.

Puisant dans le cabaret et le rock, il comprit très vite l’importance de l’apparence et du look. Au début des années 1970, il fut l’une des plus grandes stars britanniques. Une icône glam la plus adulée et la plus critiquée par les médias, la plus ridiculisée aussi. Bowie s’amusait à provoquer la conservatrice société anglaise, devenant l’une des figures les plus singulières du rock. Il va connaître le succès en 1969 avec la sortie de Space Oddity, titre inspiré par la conquête spatiale, faisant écho aux premiers pas sur la lune de Neil Armstrong et au film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick en 1968. Véritable caméléon, adepte des tenues les plus extravagantes, il s’invente des personnages qui vont fasciner des armées de fans et plusieurs générations d’amoureux d’un rock audacieux qui savait emmener les gens très loin. À l’image de son alter ego, Ziggy Stardust, qui va subjuguer l’Angleterre dès 1972 lors du show télévisé Top of the Pops, où il interprète Starman en cheveux orange et platform boots en vinyle. Il y aura le Major Tom, Aladdin Sane, Halloween Jack… autant de personnages qui lui permettent de créer un formidable kaléidoscope dédié aux expériences musicales les plus inventives. Passant d’un univers à l’autre, il est cet artiste novateur qui ne vit qu’à travers les métamorphoses et masques qu’il se plaît à imaginer. Il est l’homme mystère : « Je veux faire de moi-même un véhicule pour mes chansons, disait-il. (1)

Un être futuriste

D’où vient cet être futuriste ? S’agit-il d’un extraterrestre, d’un homme, d’une femme ? Il joue de son androgynie et casse les codes, persuadé qu’un artiste ne doit en aucun cas s’enfermer dans un style. Quitte à faire le grand écart entre musiques expérimentales et registre populaire, à l’instar des titres qui lui permettent de faire une percée aux États-Unis, Fame, l’album Young Americans ou encore Let’s Dance, qui, en 1983, fera danser la planète entière. Après sa période américaine, fuyant les démons de la drogue et de la dépression, il s’installe à Berlin, où il va produire, de 1976 à 1979, avec Brian Eno, la trilogie Low, Heroes et Lodger. Autant d’expériences qui ont fait de lui un précurseur de la cold wave, comme de l’électro et donné naissance à une pop éminemment moderne.

Bowie, c’est 140 millions d’albums vendus. Un artiste qui s’était adapté au Web, autorisant le téléchargement de l’intégralité de son album Hours en 1999. Il avait également fait sensation à Wall Street en 1997 en lançant des titres obligataires gagés sur sa musique, les « Bowies Bonds », qui avaient permis au chanteur d’empocher immédiatement 55 millions de dollars. Un mélange rock et finance, auquel on préférera l’avant-gardisme d’une musique qui a marqué l’histoire et qu’on n’a pas fini de redécouvrir.

Hommages

Iggy Pop, chanteur punk-rock qui a collaboré avec David Bowie : « L’amitié de David était la lumière de ma vie. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi brillant. Il était le meilleur. »

Kanye West, rappeur : «  David Bowie était l’une de mes principales sources d’inspiration, tellement courageux, tellement créatif, il nous a donné de la magie pour toute une vie. »

Pharrell Williams, chanteur : « David Bowie était un véritable innovateur, un véritable créatif. Puisse-t-il reposer en paix. »

Russell Crowe, acteur : « J’aimais ta musique. Je t’aimais. L’un des plus grands artistes de scène à avoir jamais vécu. »

Brian Eno, musicien qui a collaboré avec David Bowie : « Les mots me manquent, repose en paix David Bowie. »

Johnny Hallyday, chanteur : « Tristesse David Bowie nous a quittés. Au revoir l’ami. »

Catherine Ringer, chanteuse : « C’était un exemple d’inventivité, de fantaisie et en même temps de rigueur esthétique. »

Madonna, chanteuse : 
« Je suis effondrée ». « Talentueux. Unique. Génie. L’homme qui venait d’ailleurs. Ton esprit vit pour toujours. »

Boris Johnson, maire de Londres : « Terrible nouvelle que la mort de David Bowie, né à Brixton. Personne de notre époque ne mérite autant que lui d’être appelé un génie. »

En référence à Heroes, chanson phare de la guerre froide, le ministère allemand des Affaires étrangères a tweeté : « Au revoir David Bowie. Tu es maintenant parmi les #Heroes. Merci d’avoir aidé à faire tomber 
le Mur » (de Berlin).

Paul Smith, styliste « Il était une star depuis des décennies, son talent était évident, très impressionnant. »

*Philippe Manoeuvre, critique rock: « David  Bowie a fait son laboratoire en public »:
(1) Le Rock de A à Z chez Albin Michel
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Michel Delpech rejoint les oies sauvages


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La mort de Michel Delpech par Victor Hache. Le chanteur est mort à 69 ans, des suites d’un cancer de la gorge. 
Il laisse une œuvre profondément sensible qui a marqué la France des années 1970.

Y avait-il chanteur plus émouvant que Michel Delpech ? Chez lui, il n’y avait pas de chagrins mineurs. Toutes ses chansons, d’une sensibilité et d’une lucidité extrêmes, faisaient place aux vrais sentiments, interprétées avec des mots simples. Des chansons en mode majeur qui ont marqué la France des années 1970 et ont pris place dans la mémoire collective. En témoignent les nombreuses réactions à l’annonce de son décès, sur les réseaux sociaux, du public qui se reconnaissait dans ces morceaux de vie.

Michel Delpech souffrait depuis des années d’un cancer de la gorge et de la langue : « Ce n’est pas un cadeau pour un chanteur », disait-il. Vaincu par la maladie, il est mort samedi 2 janvier à 69 ans, à Puteaux (Hauts-de-Seine). Après avoir longtemps lutté contre la maladie, il avait été contraint d’annuler plusieurs concerts en 2013. Malgré des moments de rémission, il se sentait partir au point d’évoquer la mort, en octobre 2014, dans une chanson bouleversante, la Fin du chemin : « Je m’en vais là où brille la lumière. »

Un premier 45 tours en 1964

Auteur-interprète de dizaines de chansons à succès, de Chez Laurette àQuand j’étais chanteur, le Chasseur ou Pour un flirt, il avait commencé sa carrière très jeune. Né Jean-Michel Delpech, le 26 janvier 1946, à Courbevoie, dans un milieu modeste, il a le goût des livres et de l’écriture. C’est au travers de la musique, où il pourra exprimer sa sensibilité et son tempérament plein de tendresse, qu’il va se sentir pleinement exister. En 1964, il sort son premier 45 tours, Anatole, chez Vogue, et rencontre le compositeur et arrangeur Roland Vincent, avec qui il travaillera pendant des années. D’un caractère nostalgique, il repense aux années lycées et au café qu’il lui arrivait de fréquenter avec ses camarades de classe. Des souvenirs qui donneront naissance à Chez Laurette, son premier tube paru en 1965 en pleine ère yéyé. Il fera ses premiers pas scéniques dans la comédie musicale Copains-clopant, de Christian Kursner, où sa chanson est intégrée au répertoire. Il s’y fait repérer et chante en duo avec Chantal Simon, qui deviendra sa première épouse en 1966.

« Il chantait la vie des gens »

Remarqué par le producteur Johnny Stark en 1967, il signe chez Barclay et enchaîne les succès avec des titres psychédéliques comme Wight is Wight (1969), hymne dédié au festival hippie du même nom en Angleterre, ou Pour un Flirt, qui accompagne la vie amoureuse des adolescents en 1971. Une période de gloire suivie d’une dépression à la suite de son divorce, où il écrit alors les Divorcés (1973) mais aussi Que Marianne était jolie. À chaque fois, les ventes s’envolent et Michel Delpech occupe les plateaux des émissions de variété, adulé par son public au point qu’aujourd’hui encore, on ne l’a pas oublié : « Il chantait la vie des gens et je pense que c’est ça qui explique qu’il est dans le cœur de tous les Français », souligne Pascal Nègre, président d’Universal Music France.

Le chanteur avait l’art des mélodies et des textes justes et sensibles. Il a su capter l’humeur d’une époque, celle des années 1960-1970 dont les chansons étaient de véritables photographies. À l’image de Loir-et-Cher, qui parlait avec tendresse et ironie du rapport des Parisiens et des gens de la campagne avec ces mots : « On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue. » Dans son livre Vivre (2015), il témoignait d’une existence intense malgré les hauts et les bas. La vie bien remplie d’un artiste qui laisse une œuvre à jamais inscrite dans le patrimoine de la chanson française.