Jamel Debbouze: « J’ai été membre actif de la Fête de l’Huma! »


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Dimanche 15 septembre après-midi, l’humoriste Jamel Debbouze va créer l’événement en se produisant pour la première fois sur la grande scène de la Fête de l’Humanité devant plus de 80 000 personnes. Pour l’artiste qui a grandi à Trappes (78), qui fit ses débuts sur scène ici, passer à la Fête de l’Huma est une vraie « consécration ». Entretien.

Dimanche, sur la grande scène, vous allez vous produire devant 80 000 personnes. Pas trop le trac ?

Jamel Debbouze : 80 000 personnes ? C’est ce que je fais quotidiennement ! (rires). Cela fait trois ans que je tourne avec le spectacle «Tout sur Jamel». On s’arrête avec vous. C’est la der des der. Vous me faites un beau cadeau. C’est exceptionnel de se retrouver dans une telle configuration. Jouer devant autant de monde et surtout dans cette ambiance. La  Fête de l’Huma, c’est particulier.

Mais vous vous étiez déjà venu à la Fête à vos tout débuts ?

Jamel Debbouze : Vous rigolez ou quoi, j’étais membre actif de la Fête de l’Huma! J’y ai joué à différentes reprises.  Il faut que vous sachiez un truc. Quand on était à  Trappes, les seuls Français qui nous parlaient, c’était les communistes. C’est les seuls qui n’avaient pas peur de nous, eux et les gitans ! (rires). Donc, on se retrouvait à la Fête avec des gens qui nous prenaient en considération et qui nous proposaient de faire toutes sortes de choses et essentiellement boire du vin chaud  à la canette ! C’était dégueulasse, mais on le faisait parce que les mecs étaient super sympas.  Je me rappelle des cocos de Trappes qui nous emmenaient dans leurs bus. Après, j’ai joué dans des petits stands avec des gens qui avaient de la boue jusqu’aux genoux dans un vacarme monstre, entre des discours de Robert Hue et des gens qui lançaient des fers à chevaux dans des stands d’animation. Je me souviens de ma propre expérience de la Fête de l’Huma comme artiste débutant, comme spectateur et buveur de vin chaud ! Mes premières scènes c’était dans des stands avec la compagnie Déclic Théâtre de Trappes.

Comment avez-vous réagit lorsqu’on vous a proposé de faire la grande scène ?

Jamel Debbouze : J’ai répondu carrément oui. C’est une consécration que  de se retrouver sur la Grande scène. Pour moi, c’est la récompense suprême parce que pour le coup, t’es considéré comme un artiste majeur. Ca veut dire quelque chose de se retrouver sur cette scène. J’ai essayé d’être communiste, c’est très dur ! (rires). Porter des sandales avec des chaussettes rouges, c’est compliqué ! Ce sont eux les premiers qui nous ont inculqué la notion de militantisme,  de partage. J’ai essayé d’être communiste mais mes frères, ils me prenaient tous mes habits, tous mes disques ! (rires). Je plaisante, mais c’est vrai que j’étais fasciné par ces gens qui a priori n’avaient pas d’a priori.

Les humoristes du Comedy Club seront là eux-aussi au stand de l’Agora….

Jamel Debbouze : Il y a eu une envie commune. On a tout de suite été les bienvenus comme si on avait notre carte du Parti. Ça m’a vraiment fait chaud au cœur car être considérés par ce festival, cela veut vraiment dire quelque chose pour nous artistes. On ne fait pas la Fête de l’Huma comme on fait un autre festival. Il y a une pression et en même temps une chaleur. Aux Vieilles Charrues, c’était la première fois que je jouais en plein air devant autant de monde. Mais aujourd’hui avec la Fête de l’Huma, c’est complètement différent. D’abord, je suis conscient de ce qui m’attend. Ce n’est pas une mince affaire. C’est devant un public énorme,  en plein jour. Ce n’est pas de la musique, pour capter l’attention, il va falloir envoyer.

C’est aussi la première fois qu’un artiste comique fait la grande scène !

Jamel Debouze : On m’envoie au charbon tout le temps comme un tirailleur, en première ligne. J’adore ce genre de challenge. Mais la Fête de l’Huma il y a encore une autre dimension. Moi, en tout cas, j’y mets quelque chose d’idéologique. Faire marrer les gens c’est aussi j’espère, dire des choses et laisser une trace.

Qu’avez-vous envie de dire aux jeunes qui seront là ?

Jamel Debbouze : J’ai envie de leur dire : «allez  voter». C’est bientôt les municipales, c’est extrêmement important. La Fête de l’Humanité, on sait ce que ça représente, on n’est pas là simplement pour manger des merguez. On essaie aussi de faire passer des capsules idéologiques. Moi, la mienne, ce sera très simple : « On vit en France dans un pays démocratique, on peut voter pour changer les choses ». Et c’est gratuit ! J’espère vous faire rire avec ce qui m’est arrivé la veille. Mais ce jour-là, dimanche, si j’ai un truc à dire aux gens qui seront là c’est «battez-vous en allant voter ». On sent un désamour pour la politique. La crise faisant, le chômage faisant, les gens s’énervent d’avantage et vont à la facilité. Ça me foutrait les glandes que Jean-Marine Le Pen prennent davantage de place. C’est à nous de rectifier les choses, de rassurer les gens. Et c’est surtout à nous de nous défendre, émigrés de la troisième génération, Français dans l’âme qui aimons ce pays et qui avons envie de vivre tous ensemble, d’aller dans la bonne direction. C’est ça la politique, c’est bien vivre les uns avec les autres.

Vous parlez de votre enfance à Trappes. Aujourd’hui que vous vivez à Paris, que votre  vie est plus confortable, comment faites-vous pour rester en prise avec la réalité ?

Jamel Debbouze : Dans ma vie, j’ai passé plus de temps pauvre que riche. Ma famille habite encore là-bas, mes amis y chôment encore. Je passe mon temps dans le 19ème arrondissement avec des gens qui ne vivent pas  la même chose que moi. Je reste en contact avec le sol du mieux que je peux parce que sinon je vais finir par m’embourgeoiser, grossir et ne plus avoir envie de bouger mon cul. C’est ce qui pourrait m’arriver de pire. Je reste en phase parce que j’ai de la sollicitude pour le monde qui m’entoure. Je viens de la misère. Je me dois de raconter ce que j’ai vécu. Je n’aurai pas assez d’une vie pour dire combien il y a d’inégalités dans ce pays et dans le monde. Nous artistes, on sert de porte-voix. Pratiquement, comment je fais ? Je retourne voir ma mère, mes oncles, mes cousins qui sont restés proches de ce qui se passe. Eux, ils subissent la vérité. Je suis l’un des arabes le mieux loti de France, j’en suis très conscient. Je fais des vannes et je ris de toutes mes forces parce que sinon je m’exprimerais différemment. Je viens de finir un film «La marche » de Nabil Ben Yadir, qui sortira au mois d’octobre qui raconte ce qu’on a appelé la Marche des beurs qui a eu lieu en 1983. C’était une marche pas seulement pour les beurs, mais  pour l’humanité, l’égalité et contre le racisme. Faire le bilan de l’intégration et du racisme en France, trente ans après, c’est très intéressant. C’est naturel pour moi de faire «Indigènes» ou «La  Marche» des films où  il n’y a pas de budget, qu’il est très compliqué de monter. S’il n’y a pas des gens comme nous pour défendre ce genre de propos, personne n’ y va. Voilà comment je fais pour rester au contact de ce qui se passe. Pour moi, il est indispensable de rester énervé.

Vous revenez souvent sur votre scolarité dans votre spectacle. On sent que c’est quelque chose qui reste très présent en vous ?

Jamel Debbouze : J’aurais adoré faire de grandes études mais on n’a pas eu cette chance. On s’est retrouvé dans des Zones d’éducation prioritaires (ZEP). Jai fait le BEP vente action marchande et très vite je me suis rendu compte que ce système ne me convenait  pas. Il ne me prenait pas en considération, ni moi, ni mes capacités. Alors, j’ai pris la bande d’arrêt d’urgence. A 15-16 ans, je savais que l’école ne m’aimait pas. Heureusement, j’ai cette chance merveilleuse d’avoir des parents qui m’ont toujours soutenu. Ils n’attendaient pas grand-chose de moi. Je venais d’avoir un accident, je ne pouvais plus bouger le bras, ils se sont dit «on va travailler pour lui toute notre vie ». J’ai eu cette chance d’avoir une famille soudée autour de moi, malgré le fait qu’on n’ait rien. Et c’est pour ça que j’ai eu envie de les soulager et de me prendre en main. Bizarrement, j’ai trouvé l’issue par l’école. Ceux qui m’ont sauvé sont des profs de français, qui subissaient comme moi le système, qui m’ont fait jouer «Des souris et des hommes de Steinbeck», m’ont fait dire « l’Avare », « Le  Bourgeois Gentilhomme ». Ils m’ont réconcilié avec les mots et m’ont fait comprendre que ce n’était pas grave de faire des fautes d’orthographe. Ce «continue, ce n’est pas grave », m’a vraiment motivé. Cela m’a étonné qu’on puisse nous encourager. C’était rare. Ces gens qui t’encouragent, concrètement, tu as envie de leur rendre la pareille. Quand ils m’ont proposé l’improvisation théâtrale par le biais de «Papy» (Alain Degois, président et co-fondateur de la compagnie Déclic Théatre crée en 1993 à Trappes), ça été un truc extraordinaire qui s’offrait à moi. Une espèce de théâtre mélangé  au sport, où on se laisse aller à l’improvisation et permet d’être finalement plus proche de soi. Cela m’a donné une confiance en moi fantastique. Je ne remercierai jamais assez ces profs qui sont pour moi des soldats de la vie et qui nous ont permis d’être ce qu’on est aujourd’hui.

Quand avez-vous pris conscience de votre veine comique ?

Jamel Debbouze : On ne s’en aperçoit pas parce que tout est comique autour de nous. C’est notre manière de vivre et de dédramatiser. J’ai découvert la misère et mis des mots dessus dans le 6ème arrondissement quand j’ai pris mon premier appartement. Je me suis rendu compte que c’était beau et qu’on n’avait jamais eu accès à ça. J’ai pris conscience que ce n’était pas normal  quand ça pue la pisse dans  un ascenseur. C’est là que j’ai fait le pont avec la misère. On vit tellement dedans : tu nais dans une flaque de boue, c’est chez toi ! Et quand tu te retrouves dans du coton ensuite, tu es mal.

 Qu’est-ce qui vous a poussé à monter sur scène pour faire rire les gens ?

Jamel Debbouze : Ma mère m’a fait  rire, mon grand-père m’a fait rire, mes voisins, mes voisines étaient très marrants. Les vannes, c’est notre moyen de communication. Rire, c’est la manière la plus agréable de vivre, c’est faire passer les choses. La seule manière de ne pas attraper un cancer trop vite. Rire de soi, rire des autres, rire ! Quand on m’a présenté l’improvisation théâtrale, je me suis exprimé comme je l’ai toujours fait, en me moquant de moi, des autres. Bizarrement, je me suis aperçu que ça avait de l’écho. Je faisais des fautes de français, ça faisait rire les gens et je m’en suis servi longtemps après comme étant une arme. Tout ça s’est fait  naturellement. C’est pour ça que, pour moi, la solution, elle vient des associations. Elles font le lien entre le sol et les institutions. Sans les associations, je n’aurais pas fait le quart de ce que j’ai fait. C’est elles qui étaient en contact avec nous, qui étaient conscientes de nos besoins, de nos problèmes. On n’avait pas de moyens, mais elles mettaient tout en œuvre pour qu’on puisse vivre un peu mieux.

Vous aviez un mental et une force morale extraordinaire au regard du cadre de vie que vous décrivez, votre accident…

Jamel Debbouze : Quand le docteur m’a annoncé que je ne pouvais plus bouger mon bras, j’ai pris un stylo sur son bureau pour apprendre tout de suite à écrire de la main gauche. C’était, « vite, comment on fait pour rattraper le retard ?». Ce n’est pas du misérabilisme, mais on vient de là.  On n’avait pas le temps de s’apitoyer sur notre sort. On était tous dans la merde et nos parents ont fait un travail magnifique pour que jamais on ne s’en rende compte. On est en France, un pays extraordinaire quand même, où les choses sont possibles. Evidemment, quand tu habites en banlieue, c’est beaucoup plus dur que quand tu habites en centre ville, mais tu peux y arriver quand même. J’en suis la preuve vivante. Il faut avoir une envie farouche. Le moteur, c’est l’envie de réussir à t’exprimer et à exister. Si je m’étais laissé faire, j’étais un arabe handicapé d’1,65m. Je n’intéresse personne sur le papier, personne. Tout ce que j’ai pu mettre dans mes spectacles, c’est la vérité. Je n’invente rien. Moi, je me foutais de boire et de manger. J’avais envie de m’amuser. Quand on n’a rien, on déploie une énergie considérable. Ce qui m’a rendu le plus service dans ma vie ? C’est de m’ennuyer, d’être livré à moi-même. Tu te recentres tout de suite parce que tu es face à toi. Et là, tu te mets à rêver, à imaginer à créer parce qu’il faut vivre. Moi, je suis avec les frustrés parce qu’on n’a pas à frustrer les gens.

C’est pour ça que vous dites dans votre spectacle «moi mon cœur est à gauche, toute ma vie je voterai à gauche » ?

Jamel Debbouze : La droite pour moi, d’une certaine manière, c’est la loi du plus fort. Surtout, je suis né du partage, de la solidarité, de l’idée de bien vivre ensemble. Ce n’est pas moi qui ai décidé ça, c’est l’environnement dans lequel j’ai évolué, ma mère qui me l’a inculqué, les valeurs de la famille. Aujourd’hui, c’est ce que j’ai envie de transmettre à mes enfants. Je m’en fous d’avoir tout ça si c’est pour être seul à le vivre. Ce qui m’intéresse, c’est faire en sorte qu’il y ait le maximum de gens qui vivent le mieux possible autour de moi. C’est pour ça que je suis très fier d’être parmi vous. Je crois à la politique, il  n’y a pas d’autre alternative. Et être à la Fête de l’Huma, ça veut dire beaucoup de choses pour moi. Ce n’est pas une date de plus !

Entretien réalisé par Victor Hache

 

 

 

Patrice, fils du soleil, célèbre le «sweggae music» au lever du jour


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Pour accompagner le lancement de son nouvel album, The Rising of the Son, le chanteur a donné cet été une série de concerts acoustiques dans plusieurs villes très tôt le matin, pour mieux évoquer l’idée de renaissance.

Qui l’eût cru ? Il y a des artistes qui aiment se lever tôt ! C’est le cas de Patrice qui adore se produire aux aurores : « Pourquoi ne pas changer tout et remettre en question la manière dont on fait les choses ? confie le chanteur. Le matin, les gens ont un esprit superpositif. On est comme des enfants parce qu’il y a quelque chose de nouveau qui nous attend. » À l’occasion du lancement de son nouvel album The Rising of the Son, il a donné cet été, très tôt le matin, quelques concerts acoustiques dans plusieurs villes (Lyon, Strasbourg, Berlin, Cologne, Arcachon…), accompagné d’une simple guitare.

 

Lundi, c’est à Paris, sur les marches du Sacré-Cœur, qu’il a chanté à l’aube, devant un parterre de 1 000 personnes qui avaient fait le déplacement pour l’écouter, en regardant le soleil se lever sur la capitale. « C’est juste pour célébrer le dieu soleil, sourit-il. Quand on se lève tôt, on a toute la journée devant nous. On peut tout faire et même changer le monde ! »

The Rising of the Son est un disque dans lequel il évoque l’idée de renaissance : « Chaque jour, c’est comme une nouvelle façon de voir la vie. C’est un peu comme la naissance d’un enfant, une lumière, une nouvelle conscience. » Pour Patrice, chanter en étant au plus près de son public, c’est une manière de partager et d’échanger encore plus. Une relation basée sur la recherche de l’authenticité à laquelle il tient beaucoup : « Dans un monde où tout va vite, c’est important de pouvoir voir quelqu’un dans toute sa vérité, sa sincérité. Je fais aussi des concerts devant des milliers de gens. C’est une autre émotion, mais ce n’est pas aussi spécial qu’un concert acoustique au lever du jour. Il y a des gens que j’adore comme Stevie Wonder ou Bob Dylan. Si c’était possible, j’aimerais les voir de cette façon, proches, sans micro, sans artifice. Pour moi, c’est la meilleure façon de voir un artiste. »

Né près de Cologne, d’une mère allemande et d’un père sierra-léonais, Patrice Bart-Williams est au croisement d’un métissage musical, où se mêlent reggae, dub, hip-hop, électro, soul et pop, qui traduit son appartenance afro-européenne. « Ma culture est métissée, dit-il. Avant, les frontières musicales étaient bien définies. Aujourd’hui, tous les styles se mélangent. Mon album, c’est un best of de tout ce que j’aime. » Il a inventé un mot pour définir son univers, le « sweggae music », qui fait écho à la mixité culturelle de l’époque alliée à une cool attitude. Résultat, un album très groovy, comprenant de nombreux invités (Busy Signal, Cody Chesnutt, Selah Sue, Don Corleon, Ikaya), porté par des titres qui connaissent déjà un beau succès en radio. À l’image du dansant Cry Cry Cry ou encore de Alive et Boxes.

 The Rising of the Son. Because music.

Patrice à Rock en Seine 2013

Sierra Leone au cœur 

Pour Patrice, son album est aussi un retour vers le père, écrivain sierra-léonais engagé, réalisateur de films, décédé lorsqu’il avait douze ans. « Il m’a beaucoup inspiré » dit-il. Il garde des liens avec la Sierra Leone, pays d’Afrique de l’Ouest dont il est originaire et où il se rend souvent. « J’y ai donné un concert, lors d’un hommage à mon père. J’ai fait des ateliers dans une école musicale et tourné un court métrage avec des jeunes. Je garde ce pays dans mon cœur. »

 

Stromae, le coup de maître d’un chanteur « Formidable »


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Trois ans après Cheese et le tube Alors on danse, l’artiste belge revient avec Racine carrée. Un excellent album aux ambiances électro-hip-hop et world.

Il se l’était promis, Stromae ne serait pas l’artiste d’un seul single. Souvenez-vous, c’était il y a trois ans. La France s’enflammait sur Alors on danse, un énorme tube aux beats irrésistibles, extrait de son premier album, Cheese, dans lequel il chantait de manière assez pessimiste « Qui dit étude dit travail / Qui dit amour dit les gosses / Qui dit les gosses dit divorce. » Au printemps, il a remis ça avec Formidable. De nouveau, ce fut un coup de maître, à l’image du clip visionné plus de 19 millions de fois sur le Web, où il joue le rôle d’un homme ivre au milieu des passants sur une place de Bruxelles, après une rupture sentimentale. Là encore, de la mélancolie derrière les sonorités électro.


Stromae n’a jamais caché un côté parfois dépressif et sombre dans ses chansons qui puisent dans la réalité. Comme dans Te Quiero, de son précédent opus, ou Dodo, où il évoque la pédophilie ou les violences conjugales. Look d’enfant sage et sapes dandys de maestro du rap, il pose un regard souvent juste et touchant sur l’existence, accompagnant son style d’une touche d’humour.

Paul Van Haver, de son vrai nom, est né le 12 mars 1985 à Bruxelles, d’une mère belge et d’un père rwandais mort au cours du génocide, qu’il n’a pratiquement pas connu. Une absence dont il a souffert, qui lui a inspiré Papaoutai, titre dans lequel il s’interroge plus largement sur l’éducation et le rôle de père : « Tout le monde sait comment on fait des bébés / Mais personne ne sait comment on fait des papas », chante-t-il. Stromae ne juge pas, il fait juste part de son vécu de façon sensible et émouvante avec des mots simples : « Où t’es, papa, où t’es ? »

 


Des morceaux entêtants

Il revient aujourd’hui avec un deuxième album très réussi, Racine carrée – qu’il a tenu étrangement à sortir de manière décalée, mi-août – aux morceaux entêtants, qui touchent déjà toutes les générations. Les amateurs d’électro-hip-hop bien sûr, mais aussi les amoureux de chansons façon Brel, auquel il a souvent été comparé à cause de son accent traînant et de son interprétation très expressive.

Quelques titres parus cet été ont créé le buzz et assuré le succès de l’album vendu à 80 000 exemplaires dès la première semaine. Pas de quoi lui faire perdre son sang-froid : 
« C’est cool, mais ce ne serait pas la première fois qu’un album serait bien accueilli la première semaine et qu’il ne se passerait plus rien après. On ne sait pas comment ça va vieillir…» dit-il.

Stromae adore bricoler ses compositions chez lui, dans son grenier aménagé en home studio. Compositions dont il aime révéler le processus de création à travers d’amusantes séquences vidéo appelées « Leçons de Stromae » diffusées régulièrement sur Internet.


Aucune prétention ici. Rien que le plaisir de partager sa musique avec le plus grand nombre sur un mode ludique. Il lui suffit d’un mini-clavier et d’un ordinateur portable sur lequel il enregistre sa voix, quelques percussions ou ambiances technoïdes, et c’est parti pour la dance où se mêlent des paroles qui, l’air de rien, invitent à réfléchir. Tous les mêmes aborde le sujet de la lassitude dans le couple, Carmen celui des réseaux sociaux, Twitter en tête, Humains à l’eau, l’arrogance de l’Occident dans les rapports Nord/Sud, Moules Frites, le sida, ou Quand c’est ?, le cancer. Autant de thèmes sérieux qu’il évoque sans lourdeur ni pathos.

C’est tout l’art de ce magicien des mots dont la chanson garde un caractère léger et festif. Le tout agrémenté de sonorités désormais plus voyageuses, inspirées des musiques congolaises, du Cap-Vert, avec un bel hommage à la diva Cesaria Evora, et de ce qu’il appelle la trap music, mélange de hip-hop et de tempo tribal. En prime, la participation des rappeurs Orelsan et de Maître Gims sur AVF, où le chanteur envoie tout bouler, pointant une époque qu’il trouve souvent démago. Un album qu’il s’apprête maintenant à faire vivre sur scène au cours d’une tournée qui passera par le Trianon le 9 décembre et le Zénith de Paris le 10 avril.

Lire aussi: http://www.humanite.fr/23_06_2011-alors-danse-et-chante-avec-stromae-%C3%A0-solidays-474985

 

Album « Racine Carrée » Mercury/Universal.
Tournée à partir du 9 novembre (Nîme) dont Dijon le 14, Marseille le 15, Nancy le 21, Lyon le 23, Rouen le 29…